
Quelques musiciens sous-estimés… dans leur propre groupe
Dans un groupe, lorsque le talent est mieux réparti que la considération, cela aboutit souvent à des injustices et de la frustration. Petite revue des musiciens les plus incompris au sein même de leur formation.
Dennis Wilson
The Beach BoysDes cinq garçons de la plage qui chantaient les vertus du surf, il était le seul à pratiquer. Dépositaire du sex-appeal du groupe, Dennis se fond dans le rôle de musicien inconsistant, juste là pour l’image. Ne pas faire de vague, un comble pour un surfeur. Il ne bronche même pas quand les autres font appel à des musiciens de studio pour jouer ses parties de batterie. Pourtant, le batteur cache un talent de compositeur insoupçonné. « Un jour, j’étais assis dans les gradins durant une balance », témoignera le musicien de tournée et ami Daryl Dragon, « et j’ai entendu une magnifique mélodie au piano qui s’est élevée. J’ai levé les yeux et j’ai aperçu Dennis. Ça m’a choqué, j’ignorais qu’il était aussi pianiste. » Malheureusement, le chanteur Mike Love préfèrera éteindre les prétentions créatrices du batteur pour conserver son influence. Al Jardine, le guitariste, fera amende honorable au nom des Beach Boys : « Il n’était pas sous-estimé dans le monde du rock. Il l’était dans son propre groupe… »
Mick Taylor
The Rolling StonesEn 1969, le jeune guitariste Mick Taylor, vingt ans à l’époque, a la lourde tâche de remplacer Brian Jones, disparu tragiquement. Il s’en acquitte pourtant avec brio, contribuant à renforcer les racines blues des Stones sur Exile on Main Street et Sticky Fingers. Mais Keith Richards et Mick Jagger ne sont pas prêts à partager leur mainmise sur le groupe. Ils vont porter la bataille sur le terrain des crédits et déposséder le jeune musicien de chansons qu’il a lui-même co-écrite, comme Moonlight Mile ou Tops. L’affaire se règlera devant les tribunaux et les anciens amis ne se réconcilieront qu’en 1981.
Rick Wright
Pink FloydEmpêché par les égos et les forces créatives castratrices de David Gilmour et Roger Waters, le claviériste, Rick Wright a pourtant fait profiter Pink Floyd de sa sensibilité mélodique remarquable et son placement intelligent dans le dispositif musical du groupe. Discret jusqu’à la transparence, au contraire de la flamboyance de ses interventions lumineuses sur son instrument sur The Great Gig in the Sky ou Us and Them ou au chant sur Times, Echoes ou Astronomy Domine, il s’est souvent fait marcher sur les pieds. Sur « Animals », il n’est même plus crédité. Pire, les relations s’enveniment avec Waters à tel point qu’il est renvoyé durant l’enregistrement de « The Wall », et comble de l’ironie, réintégré pour les concerts qui suivent en tant qu’employé ! Mais il y a une morale, car le spectacle, gigantesque en tous points, est un gouffre financier et il est donc le seul à en tirer des bénéfices !
Glen Matlock
Sex PistolsLa même déconvenue frappa Glen Matlock, le bassiste des Sex Pistols. Membre fondateur du groupe punk, il est au départ, pour ainsi dire, le seul qui sait composer et le manager, Malcolm McLaren, compte beaucoup sur lui pour arriver à tirer quelque chose de musical de cette association de rebelles. Mais à mesure que Johnny Rotten va s’imposer au chant et en tant que leader, son influence va décroître, jusqu’à son éviction. Les autres membres lui proposent – grands seigneurs – de le conserver, mais comme musicien de session. Le prenant comme un affront, Glen refuse tout de go. Il sera remplacé par Sid Vicious, choisi pour son attitude bien plus que pour ses compétences musicales…
George Harrison
The BeatlesOn le surnommait « The Quiet One » (« le Beatle calme »). George Harrison, le plus jeune de la bande et le plus effacé, n’était pas pour autant moins talentueux que ses compères, loin de là. Mais difficile de faire sa place face à un duo créatif tel que celui formé par John Lennon et Paul McCartney. Il ne parviendra à glisser qu’au compte-gouttes ses compositions sur les albums. Pourtant, chacune témoigne d’un immense talent et certaines deviendront des classiques : Something, Here Comes the Sun, While My Guitar Gently Weeps. En résultera une terrible frustration qui aboutira dès la fin des Beatles à la sortie d’un… triple album ! L’intéressé dira même avec un sens de la poésie limité : « Je me suis senti comme un homme constipé durant des années et qui aurait subitement eu la diarrhée »… Il y a une justice dans cette histoire : il remporte avec All Things Must Pass la compétition face aux albums des autres membres en devenant numéro un dans de nombreux pays.
Publié le : 5 novembre 2017